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Monday
Mar302015

Nouvelle rubrique radio sur Anita Conti

Anita Conti, la “Dame de la mer”

Anita Conti est nee Caracotchian en 1899 d’une famille plutot aisee. Son pere est medecin et avec ses parents elle voyage tres souvent. Lors de la 1ere guerre mondiale, elle passera son adolescence a l’ile d’Oleron ou elle se decouvre une passion pour la photo. C’est aussi a ce moment la qu’elle se perfectionne en reliure d’art qui sera d’ailleurs son premier metier. A cette epoque, ses reliures de cuir sont tres remarquees et reconnues et elle accumule plusieurs prix internationaux. Son travail de relieur et de teinte de cuir est meme salue par Pierre Mac-Orlan.

Assez jeune, elle se marie avec un diplomate. Neanmoins elle dit qu’elle n’a pas besoin de son mari et lui apparement n’a pas besoin d’elle non plus. Il semblerait aussi qu’une femme mariee avait a l’epoque plus de libertes qu’une femme celibataire. Elle n’a ainsi pas divorce.

Dans les annees 30, connaissant differents armateurs, elle embarque pendant des mois  sur des chalutiers pour y faire ses premiers photo-reportages. A cette epoque il etait rare qu’une femme embarque ainsi sur des bateaux de peche. On imagine facilement la reaction de certains marins. Certains capitaines de chalutiers la trouvait parfois envahissante car elle voulait montrer au mieux possible la vie a bord et n’avait peur de rien. Elle pouvait ainsi monter au mat pour avoir des meilleurs points de vue pour prendre ses photos. C’est apres avoir embarque sur ces navires de pêche à la morue ou au hareng qu’Anita Conti publie ses premieres notes sur le dur metier de pecheurs  dans une serie d'articles pour le quotidien La République.

Retracant tres sincerement la vie a bord, elle se demandera si « Dans un temperament de journaliste l’essentiel n’est-il pas la puissance de generosite ?» Elle aquiert tres vite une excellente reputation a bord et les marins la considere plutot comme une grande soeur qui represente a bord un peu la famille de chacun. Elle a aussi la reputation de ne jamais se plaindre, de ne jamais avoir froid, ni faim et ni sommeil, comme tout mousse a bord.

Edouard Le Danois, alors directeur de l'Office Scientifique et Technique des Peches Maritimes (ancetre de l'Ifremer), l'invite en 1933 au lancement du nouveau navire de recherche oceanographique, President Theodore Tissier. Elle est engagee, en 1935, comme "personnel auxiliaire complementaire". Elle n’est plus que journaliste mais devient veritable oceanographe. Elle part ainsi observer, noter, etudier les techniques de peches, tracer des cartes, etudier les fonds, la temperature des eaux, la salinite ou encore la profondeur des zones de peche. Ses etudes et ses rapports permettront de repondre a certaines interrogations et problemes notes lors des campagnes halieutiques.

Jusqu’a la, elle menait avec succes ses deux carrieres de front: reliure et photo-reportage. Toutefois, au debut de la 2nde guerre mondiale, elle laisse tomber la reliure et ses photo-reportages se couplent d’etudes de plus en plus scientifiques sur les pecheries.

En 1939, Anita embarque sur le chalutier a vapeur Vikings, pour une campagne morutiere en mers de Barents et au Spitzberg. Durant cent jours de mer, elle partage la vie d'un equipage de cinquante hommes. C’est la premiere femme embarquee dans une telle champagne de peche et dans des regions reputees si difficiles.

Elle ecrira dans son journal de bord de l’epoque pour legender une des photos prises lors de cette campagne:

« Photos dans le poste d'équipage. Invraisemblable décor éclairé sur chaque bord par les deux yeux pâles des hublots. Les couchettes paraissent creusées dans la paroi. Au centre, une table, où dans le plus fantastique désordre sont serrés cafetières, tasses, phonographe, épluchures, tabatières, et vêtements en boule. Sur les bancs, des hommes harassés, le dos arrondi par la lassitude, sont assis, effondrés plutôt. [. ..] Des hommes ? Non. Pas tout à fait. Des êtres privés de leurs familles, des corps empaquetés de vêtements, et qui n'ont plus de visible que des mains et des visages, et dans les visages quand il fait grand froid, ne vivent vraiment plus que les yeux. ..Alors des hommes qui ne sont plus que des gestes, et des regards, enfermés entre ces tôles de métal portées par deux cent cinquante chevaux-vapeurs, ces hommes-là, qu'ils soient d'intelligence ouverte ou d'énergie obstinée, qu'ils soient de pensées délicates ou grossières, sont toujours en quelque sorte, dédoublés. Leurs âmes sont ailleurs.
Au-dessus de nous, l'espace. Au-dessous, un miroir :
Et Vikings marche avec son cercle. N'existe sur la mer ni passé, ni futur : La trace des sillages s'efface. Il y a l'éternelle seconde qui est le centre, et l'horizon poursuivi recule, et rien, jamais, ne s'arrête. »

A l'approche de la guerre, les credits de recherche ne permettent plus de financer de telles campagnes. Anita Conti va alors embarquer pour la Marine nationale sur des drageurs de mines en mer du Nord et en Manche. Elle prend une part active aux operations de deminage a Dunkerque. Elle fut la aussi la premiere femme a embarquer sur un navire militaire.

La penurie de poisson en France lors de la guerre (due a l’interdiction de pecher en Atlantique nord) la mene au large des cotes africaines ou elle etudie de nouvelles pecheries, de nouvelles techniques de conservation du poisson, fait de nouvelles cartes des fonds etc.

En 1943, le gouvernement d’Alger lui confie la mission d’etudier les peches traditionnelles et de perfectionner leur developpement dans le but d’ameliorer le régime alimentaire des populations locales. Elle prospecte les cotes, les marigots et les estuaires. Elle traque les poissons-scies, les requins, qu’elle appelle “Ces Geants des mers” mais qui regorgent de valeurs nutritives indeniables. Elle dira d’ailleurs que "Leur chair est excellente si on la fume, leur foie est aussi riche que celui de la morue...". En 1946, elle tentera de creer une pecherie de requins a Conakry en Guinee.

En 1952, à 53 ans, nouvelle grande aventure. Anita Conti embarque cinq mois a bord d'un chalutier de la Grande-pêche (a la morue) sur les bancs de Terre-Neuve. Elle va partager le quotidien des marins qui ne savent pas qu’elle est aussi un écrivain. Un an plus tard paraitra “Racleurs d'océans”, un magnifique  maritime.

En fait, des les annees 1940, elle s'inquiete des effets de la peche industrielle sur les ressources halieutiques. Elle est contre le fait de “vouloir bourrer la cale et revenir en chalutier vainqueur au port” Tres justement, elle clame aussi que l’ocean ne peut pas continuer a fournir tant de poissons. Elle se battra aussi contre le gachis des faux poisons c’est-a-dire ces poisons non voulus peches et rejetes a la mer, tel que le poisson-sabre. Elle sera aussi accueillie pendant deux ans au Musee Oceanographique de Monaco par le commandant Cousteau.
Elle continuera jusqu’a la fin a clamer une meilleure utilisation des oceans.

Elle mourut a 98 ans, a Douarnenez, la nuit de tempete de Noel 1997.

Elle laisse une incroyable source d’information, des milliers de photos, de nombreux textes et poemes. Il a ainsi fallu plus de 10 ans pour simplement archiver son impressionnant travail. Entre autres:

Racleurs d'océans

Géants des mers chaudes

L'Océan, les Bêtes et l'Homme ou l'ivresse du risque

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